Jean Louis Edogue Ntang est l’un des fondateurs du Collectif des sans-papiers de Rennes (CSP35), créé au lendemain de la Marche des Solidarités, qui nous a amenés de Rennes à Paris à pied, du 3 au 17 octobre 2020. Il milite au quotidien pour l’égalité des droits, et on le rencontre fréquemment dans les manifestations, il est donc possible de lui demander comment se procurer son livre (par ailleurs disponible en librairie et sur commande), comment l’inviter pour organiser la présentation de celui-ci et, plus largement, son parcours et son engagement.
La sueur, la peur, la fuite, l’angoisse permanente... La mort n’est jamais très loin. On comprendrait aisément que le désespoir vienne à bout des forces des migrantEs, et ce livre pourrait n’être que la sombre chronique d’un monde devenu fou qui broie les plus vulnérables. Ce serait sans compter sur la force de vie qui anime l’auteur et ses amiEs, sur la vigueur de leur intelligence qui les empêche de sombrer, sur le recours à la poésie, à la littérature, à la science. Ce serait sans compter sur sa plume.
Migrant subsaharien
Accablé par la corruption qui règne et rend son travail impossible, Jean-Louis1 décide de quitter le Cameroun. Il devient un migrant subsaharien. Il entreprend alors un parcours de plusieurs mois, au travers du Nigeria, du Niger, de l’Algérie. Au bout de la route, le Maroc, porte d’entrée sur l’Europe via l’enclave espagnole de Ceuta. C’est là que s’organise la « forêt », une sorte de jungle façon Calais, où sont mis en attente les candidatEs au passage. La menace plane sans cesse de l’armée marocaine, de ses razzias dévastatrices qui sèment la terreur... Comme touTEs les migrantEs subsaharienEs Jean-Louis doit s’adapter à la précarité extrême de cette nouvelle vie, où les inquiétants sangliers ne sont pas, et de loin, les mammifères les plus dangereux.
Observateur participant
Jean-Louis n’a de cesse de noter, de consigner les observations que lui dicte la réalité sociale du monde qui l’entoure, qu’il subit, mais auquel il participe. Il en réalise ainsi une description très minutieuse. Pour dépeindre la vie de la « forêt », il emploie les mots des migrantEs : les « ghettos » où dorment les migrantEs – c’est le nom des tentes enchassées à la végétation – les « tranquillos », zones plus reculées où ils passent la journée. Le « chairman » règne en maître sur la petite communauté dont il a la charge, gère le passage de ses « administréEs », sert d’intermédiaire avec les passeurs, empoche les commissions, qui se comptent en centaines voire en milliers d’euros.
Analyste social et politique
Grâce à ce matériau et aux outils des sciences sociales, Jean-Louis dégage les grandes lignes d’une analyse de la situation des migrantEs dans le contexte décrit, et renvoie en permanence à des parallèles avec les mœurs politiques de leurs pays d’origine, sans jamais oublier de fixer le cadre politique, celui des tractations entre le Maroc et son donneur d’ordre, l’Union européenne, afin de « maîtriser » les flux migratoires en provenance de l’Afrique.
Sans pathos, sans rancœur, sans amertume, Jean-Louis livre un récit instructif et édifiant. Il est disponible pour présenter son ouvrage : il suffit de l’inviter !