Ainsi, au bout de 50 ans de lutte, l’État, les collectivités locales et le patronat ont cédé : il n’y aura pas d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes. L’histoire pourrait s’arrêter là et les chroniqueurs commencer à rédiger des livres écrits au passé. Mais ce qui s’est créé depuis 2009 contre l’aéroport refuse de s’éteindre : un foyer de lutte, une convergence exceptionnelle.
La Zad a une histoire paradoxale : « zone d’aménagement différé » créée pour un aéroport, elle a gelé des terres et les a préservées de l’urbanisation et des remembrements, gardant une biodiversité exceptionnelle dans la région. Une fois la victoire acquise, en bonne partie grâce à son occupation, sa fonction pourrait s’éteindre, et la Zad disparaître. La question du devenir des habitantEs de la Zad est complexe, car la Zad n’est pas un mouvement uniforme, et chaque revendication affecte différemment ses habitantEs.
Les gouvernants ne souhaitent qu’une chose : que cesse cette exception d’un territoire qui leur résiste ouvertement. D’où la condition posée de normaliser la désormais fameuse « route des chicanes » : occupée à l’origine pour ralentir la progression policière en cas d’intervention massive, elle était devenue un symbole trop visible pour l’État. Maigre contrepartie en vérité que la demande de « libération » de cette route. Le mouvement contre l’aéroport s’en est acquitté pour sauver la face de l’État. Une manière de donner des gages pour entrer en négociation. Mais qui laisse sur le bord de la route une partie des zadistes, parmi les plus précaires.
Terres, expulsions et amnistie : trois exigences du mouvement
La première revendication du mouvement est de geler la redistribution institutionnelle des terres. Rendues à leur vocation agricole, les terres de la Zad seraient distribuée par la Chambre d’agriculture. Les terres reviendraient ainsi en grande partie à l’agrandissement des grandes exploitations au détriment des petits paysans. Les nouveaux paysanEs de la Zad, installés depuis 2013 et officiellement déclarés, seraient alors privés de terres. Le bocage serait de plus détruit pour laisser place à de grands champs vidés de leur biodiversité. Enfin, les habitantEs de la Zad non déclarés à la Mutualité sociale agricole (MSA) n’y auraient officiellement plus leur place.
La seconde exigence du mouvement est donc le refus de toute expulsion – malgré les menaces du Premier ministre. Car il s’agit non seulement de respecter celles et ceux qui ont permis la victoire contre l’aéroport par leur occupation, mais aussi de laisser vivre ce qui s’y invente, en marge des normes du capitalisme.
La troisième exigence est l’amnistie pour les faits liés au mouvement, tout comme des travailleurEs réclament le paiement de leurs jours de grève. Aussi bien les paysanEs que les occupantEs sont concernés.
Une fois ces premières garanties acquises, l’objectif du mouvement est de créer une entité juridique qui aurait officiellement en charge la gestion d’une partie des terres de la Zad, en servant d’interface avec les institutions. La Zad pourrait alors vivre sa vie selon ses propres règles. Ce qui semblait il y a quelques semaines parfaitement utopique est devenu soudain plus réaliste, pour autant que le mouvement sache continuer à mobiliser.
C’est pour porter l’ensemble de ces revendications que nous serons sur la Zad le 10 février. Pour que vive la Zad, qu’elle reste un lieu de vie mais aussi d’expérimentation des alternatives anticapitalistes. Pour que cette victoire ouvre la voie à d’autres succès : contre la poubelle nucléaire de Bure ou le TGV Lyon-Turin, bien sûr, et partout ailleurs. Car contre l’État, les flics, les patrons et les multinationales, nous savons désormais qu’il est possible de gagner !
CorrespondantEs NPA 44