Dans notre hebdomadaire, L’Anticapitaliste du 14 juin...
La grève perlée du 2/5 (deux jours de grève/trois jours de travail) initiée le 2 avril tient. Et ce malgré une situation difficile où force est de constater que depuis deux mois, aucun autre secteur significatif du monde du travail ne s’est joint au mouvement.
C’est dans ce contexte que la grève, avec des hauts et des bas, se maintient depuis deux mois et demi. La remontée des taux de grévistes le 12 juin, « jour de colère », atteste une nouvelle fois du refus massif du pacte ferroviaire. Cependant, la réussite de journées d’action espacées, comme le 22 mars, le 14 mai, le 12 juin, ou le succès du référendum contre le pacte ferroviaire, traduisent bien les difficultés du mouvement en cours : un rejet massif qui ne se traduit pas par une grève très dynamique. Une certaine routine s’est même installée au fil des semaines avec une grève à la carte, incapable de bousculer réellement le « train-train » de la grève perlée et le rouleau compresseur parlementaire. Celle-ci était présentée par les directions syndicales comme une « grève à l’économie » pouvant désorganiser la production. Résultat, c’est la grève qui est désorganisée avec des AG réduites. Celles-ci n’ont plus vraiment de pouvoir : la grève est décidée par l’intersyndicale sur une durée de trois mois.
Une intersyndicale sans boussole
Dans cette situation, sans poussée significative de la base, les syndicats ont les coudées franches. Mais, même avec toute la volonté du monde, aucun syndicat ne ressort des « discussions » avec le gouvernement avec suffisamment de grain à moudre pour justifier un retrait du mouvement. Les annonces sur la reprise d’une partie de la dette de la SNCF ou l’inscription dans la loi du caractère incessible du capital de la SNCF sont une vaste fumisterie. La reprise de la dette était déjà prévue dans le cadre de la transformation de la SNCF en société anonyme… et la garantie du caractère incessible du capital de la SNCF revient à accepter la transformation en SA, ce qu’aucunE cheminotE ne veut. Tous les pronostics plus ou mois avisés sur la sortie du conflit de la CFDT et de l’UNSA depuis deux mois sont donc pour l’instant erronés : le gouvernement ne négocie rien. De plus, en ce moment même, la direction de la SNCF tente de faire passer de nombreuses réorganisations dans les établissements !
L’intersyndicale est donc pour l’instant dans « l’obligation » de continuer un mouvement qu’elle contrôle mais dont elle ne voit pas l’issue. Ainsi le mouvement pourrait continuer cet été, avec un risque qu’il s’étiole petit à petit.
Construire et faire vivre la grève
Cette stratégie syndicale est refusée par de nombreux cheminotEs, qui sont depuis longtemps en grève reconductible ou ne reprennent le travail qu’épisodiquement. En Île-de-France, ils et elles s’organisent principalement autour de « l’AG inter-gares », rassemblant régulièrement jusqu’à 200 cheminotEs. Il s’agit d’une tentative de sortir du carcan imposé par les directions syndicales et d’être force de proposition pour le mouvement. Il a par exemple été tenté de « sortir du calendrier 2/5 » en poussant pour la grève avec les fonctionnaires le 22 mai ou le 5 juin – avec un succès tout à fait relatif. Mais cette AG inter-gares souffre de la principale lacune de ce mouvement : il n’est pas la somme d’expériences d’auto-organisation (quasi inexistantes faute de grève réelle) issues des AG locales. Malgré ses limites, cet espace est toutefois devenu un lieu incontournable de construction de la grève.
Dans cette situation, de nombreux militantEs de la grève ont pris leurs affaires en main, notamment dans des comités de mobilisation regroupant des cheminotEs non syndiqués et des différents syndicats. Ils et elles se démènent pour renforcer la grève à l’intérieur de la SNCF tout en allant à la rencontre des autres salariéEs. Des délégations de grévistes se sont rendues auprès des salariéEs de Vélib’, des catacombes de Paris, de McDonald’s, d’EdF, de Carrefour, de la RATP, à la manifestation pour la défense du droit d’asile et des sans-papiers, ou des hospitalierEs en grève à Rouen.
La grande majorité des cheminotEs présents dans le mouvement continuent de suivre le préavis de l’intersyndicale. Il est important que la minorité des cheminotEs en grève reconductible ne se coupent pas de ceux-là. Il faut donc continuer de construire les AG calées sur le « 2/5 »… tout en y défendant à terme la perspective d’une grève « 5/5 ».
Basile Pot