S’il y avait une phrase à retenir de la présentation faite le samedi 29 mai au cinéma Vauban par les dirigeants de l’Union Sportive de Saint-Malo (USSM) à propos du projet de nouveau et grand stade, ce serait cette phrase, prononcée et affichée mot pour mot par l’un des concepteurs du projet.
Celle-ci, « le football n’est qu’un prétexte », résume parfaitement en effet les motivations foncières de ces entrepreneurs du territoire malouin que sont Beaumanoir, Fantou, Roullier et consorts : occuper à leur main, les espaces encore disponibles à la ZAC Atalante en prétextant donc l’aménagement dans cette zone d’un nouveau et grand équipement sportif, essentiellement dédié au football.
Alors certes, on a un peu parlé d’ambition sportive (professionnelle) avec l’espoir de faire accéder l’équipe fanion masculine en Ligue 2 et de promouvoir l’équipe féminine en Division 1. Alors certes, le projet annonce des intentions sportives, en termes de moyens d’entrainement (dédiés à l’élite), de formation, de suivi médical et des installations dernier cri (terrain d’honneur en pelouse hybride…).
Mais tout cela est adossé à un vaste projet capitaliste visant à structurer une plateforme numérique, une plateforme logistique de mutualisation connectée avec le port de Saint-Malo, un data center, basés sur un développement de l’économie digitale, accéléré par les nouvelles habitudes de consommation, renforcées par la crise Covid. Et c’est cela l’essentiel, le cœur du projet ! Notons ici que ce programme est très éloigné de la vocation initiale du parc technopolitain Atalante, qui a été « créé en 2008 pour accueillir des entreprises innovantes dans le domaine des biotechnologies marines et numériques ». Car en l’occurrence, les activités économiques qui y sont mentionnées relèvent toutes du tertiaire, du service aux entreprises ou du commercial. Aucune de la production de valeur ou du fabriqué sur place, aucune non plus en phase avec l’environnement marin. Autrement dit, si ce projet va au bout, le pays de Saint-Malo aura perdu pour longtemps la possibilité de diversifier son économie et de l’orienter fortement vers les activités biotechnologiques de la mer.
Pour revenir à l’aspect sportif, et afin de minorer le fait que dans cette affaire on instrumentalise le football, on emballe le tout dans un discours écologique (production d’hydrogène par panneaux photovoltaïques), on affiche son souci d’offrir des perspectives à la jeunesse de la région en lien avec l’Université Rennes 1 et au final on assure que ce projet de « stadium-business » créerait au bas mot 350 emplois…Et au passage, on essaie de se faire des alliés dans les autres disciplines sportives en leur faisant croire que la concrétisation de ce « bluffant » programme (comme approuve Ouest-France) va libérer les terrains de Marville et de Château-Malo pour permettre la satisfaction des demandes urgentes d’équipement de la Jeanne-d’Arc et du XV Corsaires. Tout ceci naturellement en taisant le fait que le problème des espaces sportifs à Saint-Malo est d’abord une question d’investissement de la collectivité, dont les moyens ne sont pas extensibles et pour l’essentiel déjà engagés ou fléchés sur d’autres projets (Musée d’Histoire Maritime, Briantais, notamment) .
A propos de financement d’ailleurs, on relèvera que ce projet dont le caractère privé a été affirmé avec force par le trésorier de l’USSM, a quand même besoin d’apport des collectivités publiques tant en nature (terrain) qu’en espèce (6 millions d’€), ne serait-ce que pour pouvoir lever/garantir les emprunts. Quant aux fonds propres apportés par « ces entrepreneurs de Saint-Malo », outre qu’au final, ils sont relativement modestes, ils risquent de signifier aussi, pour les dizaines de clubs sportifs amateurs de la région, l’assèchement des ressources de sponsoring.
Enfin, dernier aspect – et non le moindre -, l’émergence de ce projet, dont le caractère capitalistique, ne fait aucun doute, recrée ouvertement le clivage, au plan politique, entre la fraction de la droite malouine qui vient de reprendre la municipalité et l’agglo, et le lobby entrepreneurial. On ne sait comment le maire de Saint-Malo et président de l’agglomération se sortira de ce dossier, d’autant qu’il entre en concurrence sur le même espace – semble-t-il- avec l’implantation de l’éventuel nouveau plateau technique hospitalier.
Quoiqu’il en soit, ce n’est pas l’identification de ce projet aux Terre-neuvas, c’est-à-dire aux milliers de prolétaires qui partaient chaque année à la « grande pêche » sur les bancs de Terre-neuve pour « engraisser l’armateur » (comme le dit la chanson) qui nous fera nous embarquer dans cette affaire !
NPA pays malouin 4/06/2021