La Maison du Peuple occupée
A Rennes, les étudiants ont ouvert le bal en impulsant le mouvement social contre la Loi El Khomri. Une Assemblée Générale Interprofessionnelle (invitée aux intersyndicales !) s’est constituée regroupant des jeunes, des salariés, et des précaires. Des liens se sont établis, aboutissant à l’occupation 24/24 de la Maison du peuple, concédée par une convention signée avec la mairie : plus de 100 personnes y ont dormi, des AG s’y tenaient tous les 2 jours, et une radio émettait depuis son toit. Après 13 jours d’occupation, la Maison du Peuple a été évacuée, mais ce siège symbolique aura permis de souder bon nombre d’acteur-trice-s du mouvement social.
Nous avons rencontré Lucie, militante de la CIP et Xavier, impliqué dans l’AG interprofessionnelle.
Pouvez vous nous dire comment se sont nouées les convergences ?
Lucie : Alors que le mouvement social prenait de l’ampleur, la CIP (Coordination des Intermittent-e-s et Précaires) s’est remobilisée autour de de la réforme de l’assurance chômage et de la renégociation de la convention des intermittent-e-s. Des liens se sont alors créés avec l’AG de Rennes 2, l’AG interprofessionnelle et Nuit debout. Cela a permis une action autour du festival Mythos : les militant-e-s sont intervenu-e-s lors de l’inauguration du festival, remplaçant les discours des élu-e-s par des prises de paroles engagées. C’est un peu l’action fondatrice de la convergence.
Comment se sont formalisées ces convergences ?
L. : Après cette action, l’idée d’une AG réunissant l’AG interpro et la CIP a émergé. La CIP a obtenu un accord du Théâtre national de Bretagne afin de tenir son AG dans ses locaux. C’est le 28 avril qu’a eu lieu la première AG convergente au TNB réunissant 300 personnes faisant le lien avec le mouvement étudiant et les syndicalistes. Nous avons décidé de ne pas occuper la nuit et de garder ce lieu pour se réunir et s’organiser, par une AG ayant lieu tous les soirs.
C’est là qu’intervient la Maison du Peuple...
L. : Le 1er mai, nous avons décidé d’envahir le Gaumont après la manif. Ensuite, nous nous sommes dirigé-e-s vers la Salle de la Cité, rebaptisée depuis de son nom d’origine : Maison du Peuple.
X. : La CGT avait loué la Salle de la Cité afin de tenir l’AG intersyndicale après la manifestation. Les manifestant-e-s ont donc tenté de s’y inviter. La mairie avait appelé la CGT pour prévenir que des manifestants s’apprêtaient à envahir la salle. La CGT a décidé d’annuler. Une fois les manifestants devant les portes closes, les CRS sont arrivés. Quelqu’un a appelé la CGT qui est revenue et une AG historique s’est tenue dans une salle de la Cité remplie. C’était magique. Le lendemain, l’AG intersyndicale s’est tenue et la CGT a déclaré que l’occupation était légitime.
L. : Le 2 mai toujours, au conseil municipal, la maire (PS) voulait faire ordonner l’expulsion.
X. : Le mardi, les flics ont entouré la maison du peuple, rapidement cernés par des manifestant-e-s et les syndicats. Dans le même temps, Martinez et Mailly ont eu Cazeneuve au téléphone et ils ont dit au ministre de l’intérieur qu’ils s’opposaient à l’expulsion de la Maison du Peuple. En fin d’après-midi, les CRS se sont retirés. Nous avions gagné sur sur un dispositif policier hallucinant !
Quels enseignements pouvons-nous en tirer ?
X. : L’AG interpro porte l’hypothèse de la composition politique. Dans celle-ci se retrouvent presque toutes les composantes de la lutte. La stratégie du pouvoir c’est de nous séparer : les jeunes, les travailleurs, les précaires, chacun de son côté. Notre force, c’est la rencontre entre des forces politiques qui habituellement ne composent pas ensemble. Ce lieu, c’était pour construire la lutte et le rapport de force. La veille de l’expulsion, pendant que certain-e-s restaient défendre le lieu, nous avons fait une action de blocage économique de la plate-forme de distribution de colis de tout le grand ouest.
Propos recueillis par Sophie et Vincent