Le mercredi 31 mai, Amnesty a publié un rapport sur les conséquences de l’état d’urgence concernant le droit de manifester. Résultat d’observations et de témoignages recueillis à Paris, Rennes, Nantes et Calais, lors des mobilisations contre la loi travail, pour le soutien aux demandeurs d’asile ou dans le cadre de la COP21, ce rapport valide nos expériences et conforte nos analyses.
Si l’État français se situe déjà en deçà des lois internationales quant au respect de la liberté de manifester, avec l’état d’urgence, il se place complètement hors-la-loi... Notamment sur les interdictions de se rassembler, les restrictions des droits des personnes à manifester et les violations de droits humains.
Droit de se rassembler soumis au bon vouloir des préfets
Alors que l’objectif de l’instauration de l’état d’urgence est la lutte contre le terrorisme, sa mise en œuvre se traduit surtout par des opérations de maintien de l’ordre. Entre novembre 2015 et mai 2017, les préfets ont pris 155 arrêtés d’interdiction de manifestations, essentiellement de manifestations contre la loi travail, dans le cadre des pouvoirs supplémentaires qui leur sont conférés par l’état d’urgence. À titre préventif, pour éviter des violences...
De plus, depuis 2016, le préfet peut interdire une manifestation s’il estime qu’il n’a pas les forces de police suffisantes pour assurer son bon déroulement. Amnesty conteste le manque de forces disponibles au regard de tous les déploiements gigantesques de policiers surarmés pour bloquer, nasser, poursuivre et matraquer les participantEs à chaque manifestation.
Interdiction à des personnes de manifester
639 interdictions de manifester ont été prises contre des personnes depuis 18 mois. Amnesty s’interroge sur les raisons de celles-ci. En effet, elles ont touché la plupart du temps les militantEs très engagés dans les mouvements, des personnes en capacité de rassembler, d’entraîner et d’encadrer les manifestations. Ces interdictions visent de fait à isoler les gens les uns des autres et à briser le mouvement social perçu alors comme une menace.
D’autres formes d’interdictions insupportables ont été appliquées systématiquement : la contention, la retenue de parties de cortèges, l’interdiction physique à des groupes ou des individus de parvenir aux rassemblements et parfois même d’en sortir.
Aggravation et impunité des violences policières
Le recours à la force ne doit être utilisé qu’en cas d’extrême nécessité et de manière proportionnelle. Pourtant, les faits prouvent que celle-ci l’a été en premier recours et avec une extrême violence. 101 plaintes ont été déposées contre les forces de l’ordre, et 1 000 personnes ont dû être secourues à Paris. Cela est sans doute bien loin du nombre total de blesséEs, car si le ministère de l’Intérieur tient un décompte précis des policiers blessés, il ne comptabilise pas les manifestantEs victimes.
Amnesty dénonce une volonté d’impressionner et de dissuader d’utiliser son droit de manifester par l’usage d’armes létales à titre préventif et leur utilisation inappropriée, en particulier lorsque les parties sensibles du corps sont ciblées. De plus, alors que les manifestantEs arrêtés ont été condamnés souvent très lourdement en procédure d’urgence, les policiers coupables d’actes illégaux, alors qu’ils agissent au nom de l’État dit de droit, ne sont pas et ne seront sans doute jamais condamnés !
En toute logique, Amnesty se prononce pour la levée immédiate de l’état d’urgence. Ce n’est pas le chemin pris par Macron...
Roseline Vachetta