Pendant sept semaines, fin 2017, les salariéEs du CHGR (Hôpital psy de Rennes) ont été mobiliséEs pour leurs revendications. Un barnum planté à l’entrée du CHGR, occupé 24h sur 24, du lundi au vendredi, par des grévistes et des salariéEs hors de leur temps de travail a servi de point d’ancrage à la lutte. Nous faisons le point avec Anne et Jacques, de Sud Santé.
Pouvez-vous nous expliquer les origines de votre mouvement ?
Ce qui nous a alerté, c’est l’augmentation considérable du nombre de salatiéEs nous sollicitant pour des accompagnements individuels. Souvent des contractueLEs, avec des contrats de plus en plus courts (au CHGR, il y a plus de 20% de contractuelLEs). Avant, leur stagiarisation et leur titularisation semblaient aller de soi, mais c’est terminé. Les suspensions de contrat sont fréquentes, et les femmes qui annoncent une maternité voient leur contrat non-renouvelé. Et la hiérarchie n’hésite pas à brandir la nature de leur contrat à des salariéEs qui pourraient se montrer trop « exigeanEs ».
Des restructurations ont été opérées, de nouveaux projets mis en place, qui ont entraîné la remise en cause d’équipes fonctionnant bien. Face à des résistances qui s’exprimaient, la direction a multiplié les intimidations, par des convocations individuelles voire par des conseils de discipline. Et toujours, en toile de fonds, la préoccupation de la direction de faire des économies. Ce management d’un nouveau type a engendré une grande souffrance au travail.
Déjà, la réorganisation récente (2015) avec suppressioin de 5 RTT pour chaque salariéE, avait engendré une dégradation des conditions de travail : la diminution des temps de réunion ; toujours plus de fonctionnement en deçà des effectifs de sécurité ; des difficultés accrues de remplacement. De tout cela a découlé une forme d’épuisement, une augmentation de l’absentéisme, une situation explosive. Les patients et leurs familles l’ont d’ailleurs signalé et sont venus témoigner auprès des collègues dans le barnum.
Il nous est apparu comme une urgence de recréer du collectif. De pouvoir unir les luttes pour sortir les agents de souffrances isolées....
Comment passe-t-on de ce constat aux revencications ?
L’élément déclencheur, pour nous, a été le rapport de la médecine du travail, qui a confirmé, en l’amplifiant, le sentiment que nous avions. Ce rapport a mis en évidence un haut niveau de risques psycho-sociaux, avec l’apparition de tendances suicidaires. Alorsnous avons demandé l’élargissement du pool de remplacement par l’attribution de 15 postes supplémentaires, afin d’éviter les situations – fréquentes – où unE slariéEs se retrouve à devoir gérer seulE, la nuit, un service de 20 résidentEs. Nous avons exigé l’ouverture d’une unité supplémentaire de 20 lits : en effet, le taux d’occupation du CHGR est suppérieur à 100% ! Des patientEs admiSEs à l’hôpital se voient contraintEs d’attendre l’attibution d’une place, de changer une ou plusieurs fois d’unité (jusqu’à 8 fois !), parfois même en pleine nuit ! Cela provoque des situations de grande tension, des passages à l’acte contre les personnels...
Et comment en arrive-t-on au barnum ?
Voyant la difficulté à réunir les collègues, même pour une heure syndicale, la construction d’un mouvement de masse nous semblait compliquée. Mais nous ne pouvions nous résoudre à l’attente. Alors on s’est dit « on y va, on verra... » L’installation d’un barnum à l’entrée nous a permis de créer un espace aidant à rompre l’isolement, un point de fixation et d’expression de nos revendication et de construction de notre mobilisation. Occupé 24h sur 24 par des grévistes mais aussi par des collègues en dehors du temps de travail. Petit à petit – et nous y sommes restéEs sept semaines ! - le barnum est devenu le lieu de l’auto-organisation du mouvement, des temps de réflexion et d’échange, entre nous et avec les personnes extérieures venues nous soutenir. Cela nous a rendu visibles. Tous les mardis, une AG réunissait les grévistes, jusqu’à plusieurs centaines, et plusieurs manifestations ont été organisées, notamment auprès de l’ARS. La CGT ne s’est jointe au mouvement que ponctuellement, mais les rencontres avec l’ARS ou la représentante de la minsitre se sont toujours faits en intersyndicale.
Alors, vous avez gagné ?
Nous avons gagné plusieurs choses. D’abord, notre mouvement a recréé du collectif, la solidarité entre nous en sort renforcée. Les permanences au barnum ont été le cadre de nombreuses discussions, y compris professionnelles, entre nous. Des patientEs et leurs familles sont passéEs, et nous ont dit qu’il y avait enfin un lieu où parler… Notre lutte a également provoqué un grand intérêt du côté de la presse locale puis nationale. Les journaux, mais aussi les radios et télévisions. Cela nous a rendu visibles et a provoqué une certaine inquiétude au ministère… Mais nous avons aussi – surtout ? - obtenu une dotation exceptionnelle d’environ un million sept-cent mille euros. Cette somme est bien entendu largement insuffisante... mais c’est un premier résultat significatif. C’estt la preuve que de l’argent, il y en a… et c’est aussi la reconnaissance par l’administration de la sous-dotation du CHGR… Par contre, la direction n’a aucunement répondu à nos préoccupations liées aux conditions de travail, à la souffrance au travail et au management...
Comment continuer ?
Pour cette semaine, nous avons décidé de maintenir notre barnum. Nous rencontrons la direction à la fin de la semaine : nous lui dirons que nous voulons contrôler l’utilisation de cet argent que notre lutte a permis d’obtenir… L’AG de mardi prochain décidera de la suite.
Nous l’avons vu, nous n’avons pas eu complètement satisfaction, et nous pensons que la lutte doit continuer. Mais pour gagner contre l’austérité, il faudra un cadre beaucoup plus large, national. C’est pourquoi nous nous rendrons à la coordination « Hôpitaux en lutte », qui se tiendra le 23 janvier à Paris et nous y proposerons la construction d’une première journée nationale de mobilisation des hôpitaux.