Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) - Ille et Vilaine (35)
  • Il y a 40 ans, l’abolition de la guillotine : est-ce pour autant l’abolition de la peine de mort ?

    « Qui terrorise qui ? 20 jours contre les violences d’État » : à Rennes, du 26 septembre au 16 octobre un cycle de débats, projections et autres actions a eu lieu, à l’initiative du comité 8.12 (comité de soutien aux inculpés du 8 décembre) avec le CRAC (collectif rennais anticarcéral), la CNT et le NPA. Le texte qui suit reprend l’intervention du NPA à l’occasion du rassemblement devant la prison des femmes de Rennes le 10 octobre 2021.

    Alors que l’État ne cesse de se féliciter d’avoir aboli la peine de mort, de donner des leçons sur les droits humains au monde entier, il est temps de se poser la question de l’abolitionnisme pénal. L’emprisonnement n’est que rarement questionné. Les prisons, leurs murs, leurs grillages, font partie de nos villes ou, de plus en plus souvent, en sont éloignées mais on s’interroge rarement sur les personnes qui y sont incarcérées. Quand on parle des détenuEs, c’est au travers de procès spectaculaires ou lors de mutineries. Et à chaque fois les détenuEs apparaissent comme des personnes dangereuses qui méritent l’emprisonnement.

    La prison tue dans un silence assourdissant
    Les études sur la prison et les prisonnierEs ne sont pas légion mais les chiffres parlent d’eux-mêmes. En prison, une personne décède tous les deux à trois jours. En 2020, officiellement, il y a eu 119 suicides en prison : on se suicide six fois plus en prison que dans le reste de la population. C’est le taux de suicide en prison le plus élevé d’Europe.

    C’est l’administration qui dit que les prisonnierEs se suicident. Ces chiffres cachent bon nombre de morts suspectes dans les mitards, ces quartiers d’isolement punitifs, ces prisons dans la prison où les détenuEs qui arrivent à parler relatent les tabassages, les mises à mort par des matons. On sait combien il est difficile de faire reconnaître les violences policières en dehors de la prison ; on peut imaginer à quel point ça l’est encore plus dans les murs et plus particulièrement dans les quartiers d’isolement. En 2020, 200 signalements d’agression de détenuEs par le personnel pénitentiaire sont remontés à l’Observatoire International des prisons, ça fait quatre signalement chaque semaine.

    Des suicides, il y en a. Enfermement, isolement, conditions de détentions, maltraitance par les agents pénitentiaires, notamment contre les prisonniers qui se rebiffent (éloignement des proches, provocations poussant à la rébellion et visant à prolonger la détention, transferts, etc.), c’est la prison en elle-même qui pousse au suicide. C’est encore la prison qui tue par carence de soins, à la fois psychologiques (dépressions sévères) et somatiques. Combien de morts par retard et non-accès à des soins pour des pathologies graves (cancer, VIH, maladies cardiaques…). Depuis l’apparition du Covid on a touTEs entendu parler du tri des patientEs, on imagine bien que les détenuEs n’étaient et ne sont pas prioritaires.

    La politique carcérale de la France : enfermer toujours plus
    La France est championne d’Europe de la surpopulation carcérale, et le nombre de détenuEs ne cesse de progresser. 70 000 détenuEs, c’est deux fois plus qu’en 1980 alors que l’augmentation de la population n’a été que de 20 %. D’après l’observatoire scientifique du crime et de la justice, cette augmentation n’indique pas une hausse de la criminalité mais bien une orientation des politiques pénales qui enferment de plus en plus souvent les gens…

    Pénalisation accrue, par exemple création des délits de racolage passif, d’occupation de hall d’immeuble, multiplication des procédures de comparution immédiate, allongement des durées de peines (+ 27 % en 5 ans) et de la détention provisoire. Aujourd’hui quasiment un détenu sur trois n’a pas encore été jugé.

    Et ces chiffres ne tiennent pas compte des personnes enfermées dans les CRA, des personnes enfermées sous contrainte en hôpital psychiatrique, des mineurEs en centres éducatifs fermés. En ce qui concerne les mineurEs, environ 3 000 passent par la case prison chaque année dont quatre sur cinq sont en détention provisoire.

    Les classes dangereuses
    On veut nous faire croire qu’on enferme des personnes condamnées parce qu’elles sont dangereuses pour la société/pour les gens mais 10 % seulement sont en prison pour meurtre, violences, agressions sexuelles ou viols. 65 % des personnes en prison le sont pour vol, trafic de stupéfiant ou infraction routière… 47 % des détenuEs sont condamnés à des peines de moins de deux ans, ce qui montre que même l’État ne les considère pas comme des personnes dangereuses pour la société.

    Ce sont les plus démunis de notre camp social qui sont en prison. 80 % n’ont pas le bac, plus de la moitié sont sans emploi avant l’incarcération, 10 % sont illettrés, 28 % ont des troubles psychotiques. Une personne SDF a cinq fois plus de risques de placement en détention provisoire ; une personne née à l’étranger a trois fois plus de risques d’être jugée en comparution immédiate ; les jeunes hommes « issus de l’immigration » sont surreprésentés.

    Contre l’enfermement
    Nous voyons bien qui est en prison. Nous voyons bien que la prison enferme et mate les gens de notre classe. Non seulement la prison tue, est dégradante, humiliante, déshumanisante, classiste, raciste, mais en plus c’est un système inopérant qui n’amène pas le recul de la délinquance ou des crimes, il n’est en rien dissuasif. Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons qu’être pour son abolition, et pour l’abolition de tous les lieux d’enfermement. Il est nécessaire de s’emparer de la question anticarcérale dans nos réflexions politiques, de permettre son expression dans l’espace public, mais aussi de tisser des liens de solidarité avec les personnes et les familles qui en sont les victimes.